Cet article a été écrit par Charles Mignot, le co-fondateur et PDG de PressKing
Avant de lancer PressKing, nous nous sommes longtemps demandés : faut-il proposer du 100% payant ? Du payant avec une période d’essai ? Une offre Freemium ? Nous avions beaucoup lu sur le sujet, mais nous n’arrivions pas à prendre une décision. Pour nous faire notre propre idée, nous avons finalement lancé notre service directement en Freemium, en nous promettant de bien suivre tous nos résultats.
Avec quelques mois de recul sur notre projet, et en relisant l’abondante littérature sur le Freemium, je propose aujourd’hui vous présenter ce qui nous paraît être les 5 meilleures raisons d’essayer le Freemium, et les 3 plus gros risques à prendre en compte.
Les 5 raisons d’essayer
1. Certains besoins n’apparaissent qu’avec l’utilisation d’un produit / service
Le site web le plus clair et le plus ergonomique du monde, l’argumentaire commercial le mieux rodé auront peu d’effet, comparés à l’utilisation de votre produit en conditions réelles. Parfois, pour se rendre compte de son besoin, il faut commencer par utiliser le produit qui y répond ! Le CEO de Dropbox, Drew Houston, l’exprime simplement : “Les gens ne savaient pas qu’ils avaient besoin de notre produit, jusqu’à ce qu’ils commencent à l’utiliser.”
Dans certains cas, le besoin et l’intérêt pour le produit peuvent même croître avec le temps. C’est par exemple le cas pour la plupart des services conçus pour accumuler et organiser des données, comme Evernote : 0,5% des nouveaux inscrits Evernote passent au forfait Premium au bout d’un mois, contre 2% au bout d’un an - Evernote prend tout son sens au bout d’un certain temps d’utilisation. Le Freemium, puisqu’il permet un contact réel avec le produit, et sans limites dans le temps, est alors un modèle très avantageux, pour obtenir des conversions au Premium parfois très longtemps après l’inscription.
2. Vos utilisateurs Free peuvent être une armée de commerciaux
Lors de votre lancement en Freemium, la croissance rapide de votre base d’utilisateurs pourra vous donner un coup de pouce non négligeable en termes de développement commercial. Le premier mécanisme, le plus évident, est celui du bouche-à-oreille : dans un scénario idéal, vos nombreux utilisateurs Free, puisqu’ils bénéficient d’un contact quotidien (et gratuit) avec votre produit, pourront spontanément devenir vos ambassadeurs. Cette “viralité” s’applique surtout lorsque votre marché est très large (ex : stockage en ligne pour Dropbox, appels téléphoniques pour Skype), le bénéfice est bien évidemment moindre lorsque vous vous adressez à un marché de niche.
Le second mécanisme, plus concret et plus facile à mesurer, est celui de l’affiliation. Proposer un programme d’affiliation à tous vos utilisateurs, Free y compris, peut s’avérer payant : il faut (a) avoir une bonne idée de votre cot d’acquisition (ce calcul vous demandera évidemment quelques mois d’historique), et (b) proposer une prime qui y soit inférieure, tout en restant attirante pour vos utilisateurs. Cette prime peut être en nature (ex : de l’espace de stockage supplémentaire chez Dropbox) ou financière (ex : 20€ pour tout nouvel abonnement Premium recommandé).
Pour Dropbox, la mise en place d’un système d’affiliation a fait bondir le nombre d’inscrits de 60%, et ce canal représente aujourd’hui 30% des nouveaux inscrits ! Les mécanismes de recommandation / affiliation confirment tout l’intérêt du Freemium comme stratégie marketing / commerciale.
3. Votre masse d’utilisateurs peut donner de la valeur à votre service
Et si vos utilisateurs Free n’étaient pas faits pour vous faire gagner de l’argent ? Et si, comme le souligne Andy Singleton, le CEO d’Assembla, un outil de collaboration en ligne, “les utilisateurs étaient prédestinés à payer ou à ne pas payer avant même leur inscription” ? Le modèle Freemium garderait de son intérêt, en vous permettant d’offrir un produit plus utile et plus complet.
En effet, dans certains cas la masse de vos utilisateurs peut augmenter directement la valeur de votre service, si celui-ci dépend d’un “effet de réseau”. C’est le cas d’un service comme Linkedin, où la masse d’utilisateurs Free est très utile pour les utilisateurs les plus avancés, recruteurs ou commerciaux, ceux qui sollicitent le plus le réseau et qui paient pour le faire (passer à un compte Premium cote 20$/mois, une publicité pour Linkedin cote minimum 10$/jour). Si votre service repose sur des interactions entre ses utilisateurs, rappelez-vous la loi de Metcalfe sur l’utilité des réseaux et n’hésitez pas à promouvoir largement votre offre Freemium ! Enfin, à la marge, si vos utilisateurs sont producteurs de contenus vous profiterez également de leur nombre et de leur activité sur le plan du SEO.
4. Votre masse d’utilisateurs Free peut vous être utile sur le plan opérationnel
En période de lancement, vos utilisateurs Free peuvent également vous aider pour du débuggage. Le produit est imparfait mais il est gratuit, et comme le décrit Andy Singleton, c’est “un échange de bons procédés entre adultes consentants.” Bien évidemment, ce débuggage doit être marginal, ne comptez pas sur vos utilisateurs pour faire le gros du travail à votre place ! Chris Anderson, Rédacteur en chef de Wired, le rappelle souvent : “Je vous recommande de ne pas sortir des produits boîteux, même gratuits. Si votre version gratuite est boîteuse, elle ne vous servira à rien d’un point de vue marketing.”
Votre masse d’utilisateurs Free peut enfin être mise à profit pour tous types de tests (par exemple, A/B testing) nécessitant des échantillons de taille conséquente. Le Freemium vous permet alors de mieux calibrer votre offre, ou de roder ou d’optimiser vos processus plus rapidement.
5. Le Freemium vous différencie ou vous protège de vos concurrents
Une offre Freemium peut être un facteur de différenciation très fort vis à vis de votre concurrence, surtout si celle-ci suit traditionnellement un modèle 100% payant (c’est surtout vrai pour le B2B). MailChimp, le service de routage d’e-mails, a bâti sa réputation en lançant une offre Freemium sur un marché dominé par le tout-payant : le résultat obtenu est une croissance de 150% du nombre de clients payants en un an.
En effet, votre offre Free aura le double mérite de (1) réduire considérablement la barrière à l’inscription (le gratuit convertit bien mieux que le payant), et (2) d’augmenter largement le temps d’exposition à votre produit ou service. Pas de coordonnées bancaires à fournir, pas de date butoir, et dans le cadre d’une solution B2B, pas d’aval de la hiérarchie à obtenir pour utiliser un nouveau service : le Freemium ne peut alors jouer qu’en votre faveur.
Enfin, une offre Freemium vous protège aussi des concurrents qui ont opté pour la même stratégie Freemium (il serait dommage de ne pas faire partie du prochain benchmark de vos prospects) : sur le marché d’Assembla, la plupart des acteurs proposent un forfait gratuit pour les 5 premiers utilisateurs : difficile d’imposer le 100% payant ! Le Freemium vous protège également des éventuelles alternatives 100% gratuites ou open source qui pourraient émerger, surtout si votre produit/service s’impose comme une référence sur son marché. Votre offre Freemium, à défaut de vous donner l’avantage, peut donc avoir une vertu simplement défensive vis-à-vis de votre concurrence.
Le Freemium a démontré son intérêt pour de nombreux services web, en B2C comme en B2B – MailChimp, Dropbox, Evernote ou Assemba en sont de très bons exemples. Malheureusement, le Freemium n’est pas une formule magique : il comporte des risques et des inconvénients, qui pourraient quant à eux vous dissuader de vous jeter dans la bataille ! Je liste ici les 3 principaux, ceux qu’il faut absolument prendre en compte avant toute prise de décision.
Les 3 principaux risques du Freemium
1. Les offres Freemium sont très difficiles à calibrer
Comment calibrer son offre Free ? Il existe plusieurs manières de limiter un service : en fonctionnalités, en capacité, en nombre d’utilisateurs… C’est un exercice très périlleux : la valeur de votre service n’est pas perçue de la même manière pour vous et pour vos utilisateurs. La clé est de trouver les bons déclencheurs, c’est à dire les fonctionnalités ou les services qui feront véritablement défaut aux utilisateurs les plus avancés. La limitation d’espace de stockage gratuit à 2GB est par exemple un très bon déclencheur de conversion pour Dropbox.
Un premier extrême est d’en offrir trop peu. Si votre offre Free ne répond pas entièrement – ou trop mal – au besoin adressé, vos utilisateurs déserteront. Rappelez-vous les conseils de Chris Anderson : il faut à tout prix éviter de proposer des produits « boiteux , même gratuits.
L’autre extrême est de trop en offrir, c’est à dire d’offrir un forfait Free largement satisfaisant pour la quasi-totalité de vos utilisateurs, « power users inclus. Bidsketch, un outil de génération de propositions commerciales à destination des designers, en a fait l’expérience : après l’introduction de l’offre Free, en un mois, 99% des nouveaux utilisateurs choisissaient l’offre Free, avec un taux d’upgrade de 0,8% seulement. Cette offre a depuis été supprimée, ce qui a multiplié par 10 les taux de conversion du site. Un bon calibrage suppose une excellente connaissance de votre marché et de ses besoins – vous aurez parfois à apprendre par l’erreur !
2. Le Freemium cote souvent bien plus cher qu’on ne le pense
L’argument principal des détracteurs du Freemium est le cot supplémentaire occasionné par la masse d’utilisateurs Free. Ici, tout dépend de la nature et de l’organisation de votre structure : lorsque les cots d’infrastructure ou de service client sont trop élevés, il est parfois trop cher de proposer un plan Free ! C’est particulièrement vrai pour les solutions techniques. Ces cots supplémentaires ont par exemple eu raison de XDrive, une solution de stockage en ligne fermée en 2008.
Il faut également faire preuve d’anticipation : certains cots n’apparaissent qu’avec le temps, et après avoir atteint une certaine masse d’utilisateurs ! Pour MailChimp par exemple, en un an le passage à un modèle Freemium a fait augmenter de 345% le nombre de plaintes liées au spam, et de 245% les frais juridiques liés à la chasse aux utilisateurs qui essayaient de profiter des failles du système. Une seule règle, donc : faites et refaites vos calculs et vos estimations, et tenez-vous prêts à réagir.
3. Le Freemium peut brouiller votre proposition de valeur
C’est une perception très répandue : ce qui est gratuit n’a pas ou peu de valeur. L’équipe d’Eventbrite, le service d’organisation d’événements en ligne, en a fait l’expérience, en organisant le même webinar avec une inscription gratuite et une inscription à 5$ : le taux de participation parmi les inscrits gratuits a été de 38%, contre 69% chez les inscrits payants. Psychologiquement, le prix et la qualité perçue ne sont jamais tout à fait décorrélés ! Selon le VC Seth Levine, il ne faut pas avoir peur de faire payer pour son produit, au risque de diminuer soi-même sa proposition de valeur (vous participez vous-même à la « commoditisation de votre produit – autrement dit, vous vous tirez une balle dans le pied).
Faire tourner votre marketing autour de votre offre Free, et du volume d’utilisateurs qu’elle vous a permis d’atteindre, peut donc s’avérer contre-productif, en brouillant votre proposition de valeur pour vos réels prospects, ceux qui pourraient/devraient souscrire à votre offre Premium. Au lieu de les convaincre de payer pour votre service parce qu’il a une valeur intrinsèque, vous devez alors les convaincre d’opter pour l’offre Premium parce qu’elle est plus intéressante que l’offre Free – ce qui n’est pas plus facile une fois que le gratuit est rentré dans les esprits, loin s’en faut.
Au final, le Freemium, pour ou contre ? Tout dépend de votre industrie, de votre produit, mais aussi de votre capacité à mesurer les effets du modèle, à l’adapter voire à le révoquer au bon moment. Chez PressKing, nous avons décidé d’employer un modèle freemium pour 4 raisons :
(1) nous avons un service à faire découvrir : nous proposons une suite complète dédiée aux RP. Si la plupart des entreprises connaissent les communiqués de presse, peu d’entre elles font de la veille media ou du suivi de performances pour leurs domaines. Notre offre Free leur permet de découvrir tous ces outils importants pour leurs RPs,
(2) nous avons un service qui prend de la valeur dans le temps – les RP et la veille media sont une affaire de long terme, un plus grand historique vous fournira des informations plus pertinentes,
(3) nous avons un service qui prend de la valeur avec son nombre d’utilisateurs : chaque communiqué supplémentaire constitue du contenu potentiellement intéressant pour des journalistes, et nous aide pour le SEO, et
(4) nous avons des cots d’infrastructure et de service clients bien maîtrisés, et relativement modérés, qui nous permettent de nous occuper d’une grande quantité d’utilisateurs sans risquer de nous ruiner.
C’est pourquoi nous nous sommes lancés directement en Freemium. Ceci étant dit, nos statistiques à 6 mois seront peut-être bien différentes de nos statistiques à 3 mois, et rien ne nous engage à proposer un plan Free éternellement… C’est une affaire à suivre !
Photo par Louis Volant
Via: TechCrunch France
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